Marie-Anne Sallandre

 

Professeure de linguistique, Université Paris 8 et CNRS, UMR 7023 Structures Formelles du Langage

Résumé de la conférence

Fréquence et type de catégories linguistiques dans quatre genres discursifs en LSF

Marie-Anne Sallandre, Université Paris 8, UPL, UMR Structures Formelles du Langage
Antonio Balvet, Université de Lille, UMR Savoirs, Textes, Langage
Geoffrey Besnard, Université Paris 8, UPL, UMR Structures Formelles du Langage
Brigitte Garcia, Université Paris 8, UPL, UMR Structures Formelles du Langage

Cette recherche porte sur la quasi intégralité des données du corpus LS-COLIN (https://cocoon.huma-num.fr/exist/crdo/search2.xql ). Ce corpus avait été élaboré initialement avec l’objectif de comparer les productions en langue des signes française (LSF) chez treize locuteurs sourds dans différents genres discursifs. Au fil du temps,
les annotations ont été réalisées, avec les logiciels Excel puis Elan, d’abord sur les genres narratif et explicatif. Notre contribution est une synthèse de travaux portant sur ces deux genres augmentée d’une comparaison avec les résultats inédits issus de données relevant d’autres genres discursifs (Sallandre et al. 2019).
Suivant la typologie d’Adam (2011), nous proposons une comparaison entre les genres discursifs suivants :
-­ narratif (Histoire du cheval, Histoire des oiseaux)
-­ explicatif-prescriptif (Recette de cuisine)
-­ argumentatif (11 Septembre, Euro)
-­ dialogique (Extraits corpus Creagest)

Les trois premiers genres discursifs sont des données de type monologique et sont issus du corpus LS-COLIN tandis que le quatrième genre est de type dialogique et provient de dix extraits de dialogues entre adultes sourds du corpus Creagest (https://www.ortolang.fr/market/corpora/ortolang-000926).
Sallandre (2003) a mis en évidence des tendances dans la répartition des catégories linguistiques en fonction du genre discursif, dans deux genres (narratif et explicatifprescriptif) du corpus LS-COLIN. Les catégories retenues s’inscrivent dans l’approche sémiologique développée par Cuxac (2000). Selon cette approche, les langues des signes s’organisent selon deux grands types de structures, les structures dites de « transfert »,
générant des « unités de transfert » (iconicité d’image), et les structures dites « standard », regroupant des unités lexicales, des unités de pointage et des unités dactylologiques. Les unités lexicales peuvent, ou non, être porteuses d’un certain degré d’iconicité (iconicité dormante) et s’organisent spatialement selon une iconicité de type diagrammatique.
Selon nos analyses, les tendances peuvent être résumées ainsi : les unités lexicales sont la catégorie la plus utilisée chez les locuteurs, quel que soit le genre, mais avec une présence accrue dans les recettes de cuisine (61% contre 27% dans les narrations). Les unités de  transferts, tous types confondus, représentent 69% du total des unités dans les narrations et 33% dans les recettes. Si on regarde le détail des unités de transfert, les transferts personnels — prises de rôle du locuteur-énonciateur (ou constructed action, dans la littérature internationale) — représentent 25% des unités dans les narrations et seulement 10% dans les recettes (notamment pour montrer comment il faut mélanger tel ingrédient). Par ailleurs, les transferts de taille et de forme, qui visent à décrire les entités d’un discours, sont produits dans quasiment les mêmes proportions dans les deux genres (9%), narratif et prescriptif, de même que les pointages (4%) qui permettent de créer et maintenir des références dans l’espace de
signation. En revanche, certaines catégories semblent propres au genre narratif : les unités en discours rapporté, les transferts situationnels — qui figurent le déplacement d’un agent par rapport à un repère spatial — ainsi que les doubles transferts, très présents dans les narrations
mais quasiment inexistants dans les recettes. Ces résultats sont confrontés à ceux du genre argumentatif du corpus LS-COLIN et aux séquences dialogiques du corpus Creagest, qui confirment une prédominance des unités lexicales dans les énoncés et une utilisation diagrammatique de l’espace. Concernant les transferts, ce sont les semi-transferts personnels qui sont les plus utilisés dans les dialogues, ce qui suscite également notre intérêt.
Des statistiques descriptives viennent compléter la vision globale des données fournies par les effectifs bruts et les proportions des catégories linguistiques pour chaque genre discursif. Par ailleurs, et c’est un fait intéressant, les statistiques retrouvent de manière automatique la répartition entre les deux grands types de structures, alors que les données n’ont pas été annotées de manière explicite avec cette distinction.
La présentation se termine par une ouverture sur d’autres langues des signes, notamment avec l’étude de Meurant & Sinte (2016) portant sur trois genres discursifs en LSFB.

Références

ADAM, Jean-Michel. (2011). Les textes : types et prototypes (3e éd. revue et augmentée). Paris : Armand Colin.
CUXAC, Christian. (2000). La langue des signes française – les voies de l’iconicité. Paris : Ophrys.
MEURANT, Laurence & SINTE, Aurélie. (2016). La reformulation en Langue des signes de Belgique francophone (LSFB). Analyse dans un corpus de trois types de discours : narration, explication et conversation. L’information grammaticale, 149, 32-44.
SALLANDRE, Marie-Anne. (2003). Les unités du discours en Langue des Signes Française. Tentative de catégorisation dans le cadre d’une grammaire de l’iconicité. Thèse de doctorat, Université Paris 8.
SALLANDRE, Marie-Anne, BALVET, Antonio, BESNARD, Geoffrey & GARCIA, Brigitte (2019). Etude exploratoire de la fréquence des catégories linguistiques dans quatre genres discursifs en LSF. LIDIL n°60, numéro coordonné par Marion Blondel et Agnès Millet.
https://journals.openedition.org/lidil/7136 

Document

Sallandre, M.-A. Garcia, B. (2021). Langue des signes française et linguistique : enjeux actuels. Le français moderne 2021/2, tome 89, 281-292, Edition CILF, numéro coordonné par Philippe Monneret : SALLANDRE et GARCIA FM 2021